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La dot en Afrique noire : résultats et analyse du sondage de cinquante afrodescendant.e.s (2/2)

Près des trois quarts des répondant.e.s pensent que la dot doit-être fixée de façon symbolique. Un peu moins du tiers, pensent à l’inverse qu'elle doit-être rationnelle, réfléchie et calculée. Parmi nos répondant.e.s, la dot doit avant-tout être symbolique. Ces retours sont en phase avec les raisons évoquées par les personnes considérant la dot comme utile. C’est avant tout la représentation symbolique de la dot ( bien non calculé ) qui a été mis en évidence. Parmi ceux et celles qui considèrent la dot comme nuisible, la raison principale est la forme de la dot (en espèce ou en nature) qui est matérielle. D'autres repondant.e.s affirment que la réponse ne devrait pas être tranchée : « Chaque famille et chaque femme fixe la dot comme bon lui semble. La dot est un critère de mariage (mariage aussi facile que le divorce de nos jours). Ce n'est pas n'importe quelle personne qui peut se marier avec des dots symboliques ». A l’inverse, une personne expliquait que la forme de la dot n’avait pas besoin d’être fixée car : « Les personnes ont tendance à donner de l'argent et des cadeaux systématiquement donc ça ne sert à rien de demander ».

46%  des personnes interrogées affirment que l’homme n’a pas besoin d’une dot car il bénéficie déjà des privilèges liés au patriarcat[1]. Ensuite, c’est un peu moins d’un quart des répondant.e.s qui considèrent la dot comme illégitime, qu’elle soit attribuée à l’homme ou à la femme. Enfin, 20% affirment que la dot est aussi légitime et valorisante pour l’homme que pour la femme.

 

Plus du quart des répondant.e.s pensent que la dot ne doit pas être attribuée à l’homme mais bien à la femme. L’homme bénéficierait déjà des privilèges liés au patriarcat, il serait déjà assez valorisé. Certains précisent leur opinion : « La dot ne doit pas être donnée à un homme car cela le rabaisserait dans son foyer » ; « Ca ne serait pas logique » ; « Qu’il tienne le rôle de la femme dans ce cas » ; « Religieusement, c'est à l'homme de subvenir aux besoins de sa femme ». Ces retours sont intéressants car ils positionnent la dot en Afrique noire comme un réel moyen de valoriser la femme. Pour autant, la dot à destination de la femme ne lui bénéficie pas toujours notamment lorsqu’elle est pratiquée de façon abusive. Pouvons-nous affirmer que cette pratique bénéficie réellement à la femme lorsqu’elle revient principalement à la famille de la mariée ? Un homme considérant la dot comme un bien marchand éprouve-t-il consciemment ou non un quelconque droit de supériorité sur sa femme ?

La dot en Inde vs La dot en Afrique noire :

Par ailleurs, si nous analysons la pratique de la dot dans d’autres pays notamment l’Inde, la logique est toute inverse. Dans ce qui suit, nous reprenons les informations de l’article « La dot, le côté « sombre » du mariage  indien » de Christine Nayagam,  directrice de Média India Group (MIG) et écrivaine. Cet article est parut dans le magazine INDES en novembre/décembre 2015. Les données de l'article ont été reprises par le site actuinde.com en décembre 2015. C'est depuis ce site que nous avons recueilli les informations. En Inde, le mariage se réalise selon divers critères : castes, statut social. Tout comme en Afrique noire, la femme (ou jeune fille) qui se marie, quitte le foyer de ses parents pour s’installer dans celui de son époux. On pourrait alors se demander pourquoi la famille de la femme ou la femme donne la dot à la famille de son mari ? L’objectif originel est d’aider le jeune couple à s’installer dans la vie sachant que dans la coutume, c’est la famille du marié qui est censée assumer les frais du mariage. En payant cette dot, la famille de la mariée compenserait les frais du mariage engagés par la famille de l'époux. Cette pratique est interdite par la loi depuis 1961. Pourtant, elle est toujours ancrée et pratiquée. De nos jours, la dot en Inde est très nuisible pour les femmes et parmi les raisons évoquées on retrouve : des demandes de plus en plus exorbitantes de la part de la belle-famille du futur époux, une dot qui peut parfois s’apparenter à un fardeau car la famille de la mariée doit inclure la dot de leur filles dans leurs économies (plus la fille est jeune lorsqu’elle se marie, moins la dot est élevée). Ainsi, si la dot n’est pas promise, des menaces, insultes voire violences de la belle-famille peuvent avoir lieu à l'encontre de la femme. En cas de divorce, la dot n’est pas restituée et elle est considérée comme propriété de la belle-famille de la fille. Ce sont autant de conséquences qui mènent à des foeticides lorsqu’il s’agit de filles ou à des suicides de la part de la mariée lorsque la pression de sa belle-famille ( par rapport à la dot) est trop intense.

Cette brève description du fonctionnement de la dot en Inde permet d’élargir notre spectre d’analyse. Les abus liés à la dot en Afrique noire, nous les retrouvons quelque peu dans la pratique de la dot en Inde. Nous retrouvons notamment les demandes de plus en plus élevées par la belle-famille ou encore l'endettement qui peuvent se faire au détriment de l'époux en Afrique noire et de la mariée en Inde . Pour autant, nous pensons que les abus auxquels l'homme est confronté dans la dot en Afrique noire sont moins élevés que ceux que la femme subit en Inde. Le patriarcat est très présent en Inde. Il renforce les privilèges et la valeur de l'homme. Par conséquent, les femmes subissent ce patriarcat d'autant plus que l’Inde est un des pays où la violence conjugale (viol, maltraitance physique) est déjà très conséquente. Lorsque la dot est accordée à l'homme, elle n’arrange pas ces constats, elle y participe. En Afrique noire, la dot peut certes, donner lieu à des abus mais selon nous, le fait que la société africaine originelle soit matriarcale, donne une valeur à la femme qui légitimise l'attribution de la dot à celle-ci plutôt qu'à l'homme. Elle vient contrer le poids du patriarcat pourtant bien présent Afrique noire, bien qu'extérieur à sa tradition originelle. 


[1] «  Forme d’organisation sociale dans laquelle l’homme exerce le pouvoir dans le domaine politique, économique, religieux, ou détient le rôle dominant au sein de la famille, par rapport à la femme. »

     

Près de la majorité des questionné.es considèrent que la dot valorise l’image de la femme. 26% à l’inverse affirment que la dot dégrade son image. 

Parmi les personnes qui pensent que la dot participe à la valorisation de l’image de la femme, plusieurs raisons sont évoquées. Certains voient en la dot une façon de reconnaître la valeur de la femme en la positionnant sur un « piédestal ». Une personne expliquait que la dot démontre que : « malgré tout ce qu'un homme pourra offrir en échange lors du mariage, la valeur d'une femme est beaucoup plus grande et la dot symbolise juste un échange de consentement car on n’achète pas la femme. »  D’autres répondant.e.s pensent que la dot est un moyen de reconnaître la mariée mais également les parents de celle-ci, pour l’éducation qu’ils lui ont donnée. Ils précisent tout de même que la dot doit-être répartie. Il devrait y avoir une part spécifique à la mariée et une autre spécifique aux parents de celle-ci. Au-delà de l’idée de reconnaissance et de valorisation de la femme, certains considèrent la dot comme une façon « d’initier l’homme à bien traiter sa femme ». Dans la même idée, une autre personne affirmait que la dot prouve que : « le mari pourra subvenir aux besoins de sa femme ». D’autres expliquent qu’il s’agit, pour l’homme, d’illustrer son amour pour sa femme.

 

Pour la part des répondant.e.s qui assimilent la dot à une image dégradante de la femme, la raison principale est liée à l’idée d’objectivation de la femme. Là où certains questionnés ont une vision symbolique de la dot quelle que soit sa forme (argent, nature,…), d’autres la perçoivent comme un achat pur et dur de la femme au détriment de son image. Le fait de « mettre un prix sur elle » conduirait à une déshumanisation de celle-ci. Certains termes très parlants ont été cités : «  femme produit » ; «  c’est comme si on vendait sa fille » ; « elles sont considérées comme de vulgaires marchandises ». Par ailleurs, une personne affirmait que la dot était dégradante pour l’image de la femme car elle perpétuait l’idée que : « la femme ne peut pas subvenir elle-même à ses besoins. » Une autre personne expliquait que : « vue de l’extérieur, on a l’impression que la famille de la femme profite de celle du futur marié ».  

Nous observons que deux points de vue très différents sont mis en évidence. La dot fait débat. Parmi les retours, il y a tout de même des répondants qui n’ont pas un point de vue aussi tranché sur la question et considèrent qu’elle ne participe ni à la valorisation de l’image de la femme ni à sa dégradation. Selon un.e répondant.e : « C’est avant tout une pratique culturelle et familiale ». On explique également que : « l’acquittement de la dot n’est pas une originalité africaine, elle n’a pas d’incidence. » Une personne explique que le point de vue « dégradant vs valorisant » serait influencé par la culture dans laquelle on évoluerait. Elle serait valorisante en Afrique et pourrait-être vue de façon dégradante en Occident.  

 Nous avons demandé aux personnes interrogées de mettre en avant la ou les expressions qui caractérisent le plus la dot selon elles. Le terme le plus cité est : « Honneur » suivi de « Valorisation de la femme » puis : « Obligation ».

C'est le terme "Honneur" qui a été le plus cité. Il reflète la vision positive de la dot pour trois quarts des répondants. En deuxième position, nous retrouvons l'expression : « Valorisation de la femme». Encore une perception plutôt positive de la dot. Ensuite, c'est le mot : « Obligation » qui a été cité. Il représente notamment l'idée de respect de la religion. Enfin, nous retrouvons le mot : "Abus" faisant référence aux demandes et dépenses financières onéreuses. En dehors de la liste, d'autres expressions ont été mises en évidence telles que : "respect" , "engagement" ou "conciliation de la double-culture".

Conclusion

Les résultats de ce sondage confirment la divergence de points de vues concernant la dot. Globalement, une vision principalement positive de cette coutume a été mise en évidence dans ce sondage. Cette perception fait référence à l'aspect symbolique qui entend valoriser la femme, sa place et son rôle social ainsi que sa famille. Il entend également renforcer et confirmer le rôle de pourvoyeur de l'époux. La limite de cette pratique, c'est lorsqu'elle est abusive et pas perçue symboliquement mais de façon matérielle. Une considération uniquement matérielle qui peut donner lieu à une objectivation de la femme contribuant à sa dévalorisation.

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