· 

La dot en Afrique noire : résultats et analyse du sondage de cinquante afrodescendant.e.s (1/2)

La dot revêt une définition différente en Occident et en Afrique noire. En Occident, elle désigne les biens que la famille de la femme apporte pour supporter les charges du mariage. En Afrique noire, il s'agit de biens apportés par le futur époux à la famille de la mariée . L'expression "prix" de la fiancée est souvent utilisée pour évoquer cette pratique spécifique. La dot en Afrique noire s'est inscrite comme une pratique essentielle dans le mariage traditionnel. Pour autant, cette pratique est perçue de  façon plus ou moins négative d'une personne à une autre. Les résultats du précédent sondage portant sur la perception de la tradition africaine ont clairement mis en évidence cette différence. En effet, la dot était autant citée comme une pratique "à conserver" que "dépassée". Cette perception complexe de la dot m'a interrogé. Pour cette raison, j'ai souhaité approfondir ce sujet en créant un sondage dédié à celle-ci. J'ai principalement centré ce sondage autour de la dot pratiquée en Afrique noire. Cinquante personnes furent questionnées. Les résultats ne sont évidemment pas exhaustifs ou représentatifs de l'opinion de l'ensemble des africain.es et afro-descendant.es. Néanmoins, ils nous fournissent des informations intéressantes, que je vous laisse découvrir...

Informations sur les personnes questionnées :

 

Plus des 3/4 des répondant.e.s sont des femmes pour un peu moins d’1/4 d’hommes. Les résultats de ce sondage proviendront principalement d’une perspective féminine. Pour autant, la vision de certains hommes nous donnera un angle de vue différent.

 

Parmi nos sondé.es, un peu plus de la majorité sont agé.es de 26 à 35 ans. Ils/elles sont suivi.e.s des 16-25 ans avec plus de 36% des sondé.es. Les 36-45 ans représentent 5% de nos répondants et enfin, les plus de 45 ans, 3%.

 

Parmi les répondant.e.s, 70% n’ont pas connu l’expérience de la dot. Pour rappel, je me suis principalement intéressée à la dot qui se pratique en Afrique noire. Celle ou plus généralement la femme est receveuse de la dot et l’homme en est le donneur. 20% des personnes sondées ont connu l’expérience de la dot en tant que receveuse. Enfin, plus de 5% des répondants ont connu l’expérience de la dot en tant que donneur.

Perception de la dot:

 

34 % des personnes interrogées ne conçoivent pas un mariage traditionnel africain sans cette pratique bien qu’ils n’aient pas vécu l’expérience de la dot. Pour un tiers des répondant.e.s, la dot est une pratique traditionnelle du mariage très ancrée. Elle n'est pas si ancrée que cela pour un autre tiers des sondé.es qui sont indifférent.e.s. Pour 17% des personnes ayant vécu l’expérience de la dot, celle-ci est essentielle dans le mariage traditionnel. 12% affirment qu’ils souhaiteraient éviter cette expérience dans leur vie.

 

 

Pour près de trois quarts des répondant.e.s, la dot est une pratique utile dans le mariage traditionnel. Un quart des personnes interrogées pensent à l’inverse que la dot est une pratique nuisible.

Parmi les raisons qui expliquent l’utilité de la dot dans le mariage, nous retrouvons la préservation des traditions et coutumes. La dot serait une pratique essentielle car caractérisant les traditions et coutumes africaines. Une personne a d’ailleurs affirmé : « Nous ne pouvons pas tout copier de l’Europe ». Ici, la dot serait une pratique intégrante de l’identité africaine. C’est d’ailleurs ce qui est mis en évidence par d’autres répondants : elle est « essentielle au bon fonctionnement de notre culture et à la conservation de notre identité » ; « il est important que la tradition reste ». Ce qui est intéressant ici, c’est qu'au delà de sa pratique et de sa signification, la dot est avant tout considérée pour la place et la valeur qu’elle donne à l’identité dite africaine.

De plus, nos répondant.e.s favorables à la dot considèrent que celle-ci est un symbole de respect et de valorisation de la femme. A travers cette pratique, ils y voient un moyen de reconnaitre la valeur de la femme notamment son « enduction » et ses « qualités » bien que : « en réalité, aucun montant ne peut définir la valeur de la femme », selon un.e répondant.e. La dot est aussi vue comme un moyen de compenser la perte, le départ de la femme du foyer familial. La valeur de celle-ci serait tellement importante que son départ du foyer familial pour celui de son époux serait considéré comme une perte pour ses parents. Une perte qui doit-être compensée par la dot. Pour cette raison, cette pratique est également perçue comme une façon de : « reconnaître la famille de la mariée », qui a éduqué sa fille selon des principes et des valeurs appréciables. Ces principes et valeurs seront dorénavant mis au service de la famille de l’époux. La dot est souvent demandée et fixée par la famille de la mariée. Par ailleurs, au-delà d’une question d’utilité ou non, certain.e.s rappellent le caractère avant tout religieux de la dot (en Islam notamment). Il s’agit d’une pratique religieuse qui se doit d’être respectée. Certain.e.s répondant.e.s expliquent que la dot est « un droit légal pour la femme ». D'autres voient en la dot une représentation symbolique de l’union entre les deux mariés. Enfin, certain.e.s considèrent cette pratique comme la représentation d’une qualité attendue du mari : « subvenir aux besoins de sa femme ».

Bien que les trois quarts des personnes interrogées considèrent la dot comme une pratique utile, un quart de nos répondant.e.s la considèrent comme nuisible. La raison la plus citée ne concerne pas le principe de la dot en lui-même mais la façon dont elle se matérialise, principalement par une somme d’argent. Selon ces personnes, lorsque la somme fixée est « excessive », « exagérée » et que le donneur doit « s’endetter », la dot est nuisible dans le mariage. En lien avec cette idée, certain.e.s évoquent la place élevée de la famille de l’épouse dans la fixation de la dot : « certaines familles ne tiennent pas compte de la situation financière du conjoint et tentent de lui extorquer trois fois plus que son salaire normal ». Il s’agit d’un « marché entre l'époux et la famille de l'épouse où la femme est comme un bien serviable à sa famille et l'époux peut se ruiner afin de compenser cette serviabilité ». D’ailleurs, une personne affirmait que, normalement, la dot religieuse doit l’emporter, celle où la femme est exclusivement  bénéficiaire de la dot. 

Une autre raison qui creuse la différence d’opinion entre ceux qui considèrent la dot comme utile et ceux qui la considère comme nuisible, c’est la façon dont la femme est valorisée. Là où nos « partisans » de la dot insistent sur sa représentation symbolique, nos répondant.e.s plus réticents à cette pratique évoquent sa représentation matérielle (bien en espèce, en nature ou les deux) qui serait nuisible au mariage. Certain.e.s expliquent que la mariée serait : « une espèce d’objet que l’on achète au prix fort ». Pour d'autres, la dot  : « donne une valeur commerciale au mariage, cela crée des attentes fortes de la part de la famille et des problèmes » ou encore, « cela entrave le coté sacré du mariage et donne un aspect superficiel au mariage, l'amour n'est pas une chose que l'on peut acheter ». Certain.e.s regrettent la représentation autrefois symbolique de la dot. Selon ces dernièr.e.s, de nos jours, la dot ne serait plus aussi symbolique : « Avant la gestion était symbolique : ex : vin de palme chez les mandjack, colas,…Actuellement, les personnes sont matérialistes et on a l'impression qu'ils vendent leurs filles. » ; « De nos jours, elle n'est plus symbolique ; elle est dévoyée ». Aujourd’hui, la dot est plus ou moins symbolique selon les différents pays d’Afrique noire. Les rituels la concernant divergent selon les pays (Congo, Cameroun, Mali par exemple).

Enfin, une personne expliquait que la dot n’était en rien utile dans le mariage car elle serait réalisée comme une formalité, de façon à perpétuer les traditions et les respecter. Il n’y aurait aucune influence dans le couple mariée. Cette remarque est intéressante car elle me semble liée à une des raisons des « partisans » de la dot. En effet, certains ont justifié l'utilité de cette pratique pour la place et la valeur qu’elle donnait à l’identité africaine. La dot ne serait plus considérée et pratiquée pour elle-même mais comme une formalité qui respecterait les coutumes et les traditions pour préserver l’identité africaine. 

Écrire commentaire

Commentaires: 0