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Résultats et analyse du sondage : Quelle perception de la tradition africaine par l'afrodescendant-e en Occident ? ( 1/2)

 

Selon le Centre National  de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL), la tradition représente une : « action, façon de transmettre un savoir, abstrait ou concret, de génération en génération par la parole, par l’écrit ou par l’exemple ». Quelle perception avais-je de la tradition africaine en tant qu’afro descendante née et ayant vécue en Occident ? Auparavant, je vous l’avoue, je n’avais jamais vraiment réfléchie à cette question. Je me considérais comme une Française d’origine africaine marquée par la tradition de mes parents certes, pour autant, je l’admets, inconsciemment ou même consciemment, je pouvais éprouver une incompréhension de certaines pratiques de la tradition africaine que je trouvais arriérées et ce sans explication particulière. Des pratiques arriérées mais par rapport à quoi ? Le mode de vie occidental ? La tradition occidentale ? Pourquoi ? Les africains peuvent-ils également décréter que la tradition occidentale est arriérée par rapport à la leur ? C’est bien plus tard en grandissant, que j’ai compris que ma vision occidentalisée de la tradition africaine ne permettait peut-être pas de l’apprécier de façon objective. C’est en m’informant davantage sur celle-ci et ce par divers moyens (sites internet, évènements culturels,..) et notamment la lecture d’ouvrages d’auteurs africains plus particulièrement Amadou Hampaté Ba ou Cheick Anta Diop, que j’ai pu déconstruire l’image figée que j’avais de la tradition africaine et comprendre pourquoi j’en avais une vision tronquée (falsification, destruction).

 

 

Je me suis rendue compte que j’étais tout simplement ignorante sur certains éléments. Aujourd’hui, je le suis un peu moins, mais j’ai encore beaucoup de boulot afin : « d’arracher mon patrimoine culturel » comme Cheikh Anta Diop dirait. La chance aujourd’hui : l’accès et le partage d’informations à travers les réseaux sociaux et des événements divers et variés (que l’on ne communique pas via les médias classiques), sont de plus en plus élevés. Alors toujours dans le cadre de ma phase de déconstruction, je me suis posée plusieurs questions sur la perception générale que nous afro-descendant-es pouvions avoir de la tradition africaine.

C’est à ce moment-là que m’est venue l’idée de réaliser un sondage. Un sondage qui s’adresserait à une cible large. Je souhaitais interroger plusieurs afro-descendant-es au sens très large du terme, à savoir, les personnes ayant des ancêtres africains noirs, et ayant vécu ou vivant en Occident. Ce sondage a pour principal objectif de connaître des perceptions car c’est à travers celles-ci plus ou moins différentes selon nos expériences, notre éducation et l’environnement dans lequel nous sommes né-es et avons évolué-es, que nous pouvons en déceler nos construits sociaux.

Le premier volet de la rubrique Réfléchir la société sera une présentation et une analyse de la perception, la vision et la réflexion des 158 personnes ayant généreusement accepté de répondre à ce sondage. Bien évidemment, il ne reflétera pas la vision de l’ensemble des afro-descendant-es mais il apparaît comme une base enrichissante de réflexion sur le sujet qui pourrait vous être utile. C’est à partir des résultats de ce sondage que les prochains textes de cette rubrique se porteront en approfondissant la réflexion sur des sujets précis. Assez blablater, place aux résultats !

Eléments d'informations sur les réponants

 

 

Parmi les 158 répondants, un peu moins des trois quarts sont des femmes. La perception féminine portera donc majoritairement ces résultats.

 

 

46 % des personnes ayant répondu au sondage se situent dans la tranche d’âge 16-25 ans suivies des personnes de la tranche d’âge 26-35 ans avec 44%. Nous aurons donc une vision globalement plutôt jeune de la tradition africaine. A l’heure actuelle, les sujets en lien avec la double culture ou l’immigration sont au cœur des débats. De plus, nous assistons de plus en plus à une revendication culturelle africaine venant de la jeunesse afro-descendante. Il est donc intéressant d’obtenir la perception de la tradition africaine par les personnes de cette tranche d’âge. Ainsi, nous aurons la possibilité de comparer ces perceptions à celles des 36 à plus de 45 ans.

 

 

Un peu plus de la majorité des personnes sont des afro-descendant-es né-es et vivant actuellement en Occident. Ils/elles sont suivies de ceux né-es en Afrique et vivant actuellement en Occident. Un peu moins représentatifs mais tout de même présents, nous avons également la perception d’afro descendant-es né-es en Occident et vivant en Afrique/Dans le reste du monde. Enfin, nous comptons aussi des personnes nées dans le reste du monde, mais vivant actuellement en Occident. Ce sondage se veut volontairement élargie afin d’obtenir la vision la plus enrichissante possible.

La perception de la tradition africaine de nos répondants

 

 

Si l’on demande aux personnes questionnées de nous indiquer quels éléments selon eux, caractérisent le plus la tradition africaine, nous observons que 94% des répondants évoquent les pratiques culturelles contre 17% pour les pratiques religieuses. Nous observons que la distinction entre la pratique religieuse et culturelle est bien marquée. Parmi les 17% de réponses libres, la plupart des éléments cités concernaient des exemples de pratiques/valeurs culturelles : « nourriture, langue, mode », « Solidarité, respect », « éducation, langue », « mentalité »,…. Seulement 22 personnes (soit 13% des répondants) ont à la fois choisi les pratiques culturelles et les pratiques religieuses pour caractériser la tradition africaine. Et pourtant, l’Unesco considère la culture : « dans son sens le plus large, comme l'ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l'être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances ». Nous observons que de façon générale, la culture implique des pratiques religieuses. La manière dont j’ai posé la question n’était pas anodine et les différents retours me donnent plusieurs éléments d’analyse intéressants. Selon moi, la distinction très majoritaire des pratiques culturelles et religieuses dans la tradition africaine fait sens car aujourd’hui, les religions dominantes de nos jours (Christianisme, Islam notamment), ne proviennent pas de la tradition, de la culture africaine. C’est peut-être cette différence qui est mise en évidence à travers ces retours. D’autant plus que la différence entre les deux est souvent marquée notamment par l’incompatibilité de certaines pratiques culturelles africaines au regard de ces religions.  

 

En analysant ces réponses, je me rends compte qu’elles confirment la complexité et la variété quant à la vision, perception que nous pouvons avoir de la tradition dite « africaine ». Complexe, car si l’on se réfère à la tradition africaine au sens originel (Egypte Antique puis Afrique noire avant l’arrivée des religions dominantes), religion et culture forment un tout qui caractérise la tradition africaine. D’ailleurs, parmi les réponses libres, un homme (26-35 ans, né en Afrique, vivant en Occident) a mis en évidence le lien étroit entre culture et religion : « Toute religion est fondée sur la culture d’un peuple, donc les choix possibles des réponses sont équivalents ». Pour autant, en ce qui concerne la culture africaine, la réponse ne semble pas si évidente car depuis l’Egypte Antique, la culture africaine a fortement été influencée.

 

Selon moi, les réponses obtenues à cette question varient selon le degré de connaissances et de perceptions que nous avons de la tradition originelle africaine et de la tradition africaine que j’appellerais « influencée », «  transformée ». Parmi les autres réponses libres à cette question, un homme (16-25 ans, né et vivant en Occident), résumait bien cette particularité : « Si on se réfère aux religions des traditions africaines originelles, alors la frontière entre culture et religion n’existe pas car on considère dans la tradition africaine que la religion est issue de la culture ». Il poursuit : « Maintenant, si on parle de la tradition africaine à notre temps, la distinction entre tradition et religion (christianiste, islamique) doit-être faite. Les religions révélées ne sont pas nées en Afrique ».

 

Enfin, une femme (26-35 ans, née et vivant en Occident), expliquait que la tradition africaine de nos jours s’inscrivait dans le cadre du syncrétisme. Selon le CNRTL, il est définit par la : « Fusion de différents cultes ou de doctrines religieuses, tentative de conciliation des différentes croyances en une nouvelle qui en ferait la synthèse ». Selon elle : « Bien qu’une partie se réclame musulmane, chrétienne, (voire bouddhiste pour certaines de notre génération), il y a du syncrétisme. Les Anciens en Afrique et aux Amériques, qui se sont vus imposés ces religions  ont  ajouté des éléments de la spiritualité africaine (chants, divinités africaines associées, le respect de la vie, de la nature). » Ce retour est intéressant car il confirme encore une fois la complexité de la tradition africaine de nos jours, du moins de la perception que nous en avons. Si je fais le lien avec l’ouvrage d’Amadou Hampaté Ba, Amkoullel, l’enfant Peul, cité plus haut, j’ai retrouvé cette idée de syncrétisme lorsqu’il décrivait les pratiques et croyances traditionnelles des différentes ethnies africaines et musulmanes notamment.

 

Au final, nous observons que la tradition africaine originelle a beaucoup été influencée dans le temps et que selon le contexte dans lequel nous nous situons, la perception des pratiques religieuses au regard de la culture peut différer.

 

 

En 2017, quasiment aucun répondant, ne pense que la tradition africaine est dépassée et arriérée. Il y a tout de même une femme (26-35, née en Occident et qui y vit) qui considère à priori que la tradition africaine est dépassée (représente 2% des réponses et non pas 0% comme indiquée sur l’image). Toutefois, par la suite, nous observons que la perception de cette femme n’est pas si tranchée que cela car elle a tout de même indiqué des pratiques « à conserver » dans la tradition africaine. Elle se situe parmi plus de la majorité des personnes ayant répondu que certaines pratiques étaient dépassées et d’autres à conserver (68%). Enfin, 30% des personnes, en principe, répondaient qu’il n’y avait absolument rien à changer dans la tradition africaine et qu’il fallait continuer à la faire vivre telle quelle. En réalité, parmi ces personnes, seulement 11 personnes (soit 7 % des répondants), ont confirmé cet avis par la suite en répondant « Aucune » à la question «  Citez deux pratiques de la tradition africaine qui vous semblent dépassées ? ». Les autres (soit 93%) ont mis en avant certaines pratiques dépassées en répondant à cette question. Leur positionnement est donc plutôt nuancé comme plus de la majorité des personnes.

 

Comme nous le disions précédemment, afin d’obtenir une vision plus précise et de comprendre ce qu’il se passe derrière les chiffres, nous avons demandé à chacun des répondants de nous citer deux pratiques de la tradition africaine qu’ils/elles considèrent comme dépassées et à l’inverse deux pratiques de la tradition africaine qu’ils/elles considèrent comme légitimes.

Parmi les pratiques qui seraient considérées comme dépassées, nous les avons classées selon le nombre de fois qu’elles ont été citées :

Pratique considérée comme dépassée dans la tradition africaine

Nombre de fois citée* (en %)

Excision

34 %

Mariage forcé/Mariage arrangé

12%

Castes

5.8 %

Dot

4.7 %

Patriarcat

4.7 %

Polygamie

3.5 %

Aucune

3.1 %

Sorcellerie

2,7 %

Circoncision

1,5 %

Veuve qui épouse le frère de son défunt

1,5%

Reniement de sa communauté/Manque de solidarité

1.5 %

Rite du veuvage

1.1 %

 *255 éléments cités

 

Parmi les pratiques de la tradition africaine considérées comme dépassées, l’excision, le mariage forcé/arrangé, les castes, la dot et le patriarcat font partie du top 5.

 

L’excision a été le plus souvent évoquée. Celle-ci est définie comme « barbare », « violente », « dangereuse » « inutile », « archaïque » ou encore « contraire à l’éthique » par les personnes interrogées. Ces dernières expliquent aussi que cette pratique est utilisée pour « contrôler le corps des femmes », qu’il s’agit d’une « atteinte à la liberté de la femme » qui provoque des « conséquences psychologiques et physiques ». Certains évoquent le côté « tabou », « on est contre mais on en parle pas ». Enfin, d’autres personnes mettent en évidence une « signification originelle détournée ».

 

Selon moi, ce sujet mérite d’être approfondi. Il est intéressant de comprendre les origines de cette pratique. De façon générale, je trouve qu’il est primordial de comprendre les origines et les raisons d’une pratique adoptée et considérée comme «  tradition africaine ». C’est la direction que j’ai envie de donner à la rubrique « Réfléchissons nos sociétés ». Encore en phase d’apprentissage et de développement de mes connaissances sur l’histoire et les pratiques africaines, j’aborderais des sujets précis et vous inviterai à les réfléchir avec moi. Ainsi, au-delà de rappeler les origines de telle ou telle pratique, l’objectif est aussi de nous inciter mutuellement à la réflexion en nous demandant comment en 2017, pouvons-nous trouver des solutions concrètes à ces problématiques.

 

Pour revenir à l’excision (et la circoncision), ce sont des pratiques qui pourraient faire l’objet d’un sujet spécifique à la rubrique Réfléchissons nos sociétés. Officiellement, ces pratiques proviennent de l’Egypte Antique, l’objectif étant de retirer la partie masculine chez la femme et la partie féminine chez l’homme (pour ne pas aller dans les détails). Toutefois, aujourd’hui, l’auteur Amouna Ngouonimba, met en évidence les origines eurasiatiques de cette pratique. Il a rédigé un livre sur le sujet : L’excision aux sources d’une longue tradition et coutume eurasiatique. Je n’ai pas eu l’occasion de le lire. Si certains l’ont lu, je suis preneuse des informations. En considérant l’excision comme une pratique eurasiatique, c’est un argument afin de sensibiliser et convaincre ceux qui pratiquent et maintiennent l’excision sous-prétexte de la tradition africaine.

 

Par ailleurs, le patriarcat faisait aussi partie du top 5 des pratiques considérées comme dépassées. Plus particulièrement, c’est le privilège des hommes dans le patriarcat au détriment des femmes qui est dénoncé : « rapport homme/femme », «  soumission de la femme ». Là encore, un sujet spécifique dans cette rubrique pourrait-être intéressant. On en revient aux différences de perceptions de la tradition africaine selon notre degré de connaissances et notre environnement. En effet, considérer que le patriarcat provient de la tradition africaine, c’est aborder la tradition africaine « influencée », « transformée ». En effet, la tradition africaine originelle est matriarcale. Le patriarcat est d’origine eurasiatique. D’ailleurs, actuellement, malgré la place majeure du patriarcat au détriment de la femme en Afrique, nous observons que celle-ci a toujours un rôle majeur dans la société africaine et son développement.

 

Le mariage arrangé/forcé, les castes et la dot pourront aussi faire l’objet d’un traitement plus approfondi dans la rubrique. Pour ce qui est de la dot, j’en reparlerai un peu plus tard dans cette analyse car on la retrouve aussi dans les pratiques de la tradition africaine considérées comme essentielles. 

 

En dehors du top 5 et des autres pratiques décrites ci-dessus, d’autres éléments ont été cités que je n’ai pas répertorié dans le tableau mais qui pourront aussi être abordés dans la rubrique. Exemples d’éléments cités : « maltraitance des albinos », « culte des crânes », «  les tabous ».

 

Nous allons maintenant évoquer les retours des répondants concernant deux pratiques de la tradition africaine qu’ils conserveraient :

Pratique considérée comme essentielle de la tradition africaine

Nombre de fois citée* (en %)

Respect des ainés

11%

Entre aide/Hospitalité

7.7 %

Coutumes du mariage traditionnel

7%

Transmission des langues

6.6 %

Tenue traditionnelle

5.1 %

Famille élargie, solidarité familiale

5.1%

Croyances, identités africaines

5.1%

Dot

4.7 %

Musique, Danse

4.2 %

Pratiques culturelles de chaque ethnie

4.0 %

Guérisons naturelles

1.8 %

Les tontines

1.4 %

Mode de vie en symbiose avec la nature

1.4 %

Matriarcat

1.4 %

 * 271 éléments cités

 

Parmi les éléments considérés comme essentiels dans la tradition africaine, on y retrouve avant tout des valeurs. Le respect des ainés ainsi que l’entre aide/l’hospitalité. Selon les retours, le respect des ainés permet : « d’instaurer un cadre moral dans la société et évite les dérives ». Il permettrait également de « réduire les conflits ».

 

L’entre aide/l’hospitalité ont été également plusieurs fois citées. Il y aurait « cette conscience que l’entre aide est importante » ce qui permettrait de « lutter contre l’individualisme ». La société africaine est une société où les valeurs collectives priment sur l’individualisme. J’ai retrouvé cette idée lors d’une projection du documentaire La femme porte l’Afrique à laquelle j’ai participé en février dernier. Idriss Diabaté, réalisateur du documentaire était l’invité de l’association Cinewax organisatrice de l’évènement. Celui-ci expliquait que : «  En Europe, c’est l’individu qui est le centre, or en Afrique, c’est la collectivité, c’est la « Cour » qui est au centre. Il y a un poids moral pour chacun qui a une fonction dans la société ». Aujourd’hui, paradoxalement, au-delà de ces valeurs dont on a conscience (ou pas), le discours généralisé de certains afro-descendant-es est d’affirmer haut et fort : « Il ne faut pas faire confiance au noir ». D’ailleurs, c’est un élément qui est ressorti parmi les pratiques, valeurs, « dépassées ». Certains évoquaient : « le reniement de sa communauté, le manque de solidarité ». Ces retours intéressants me permettent de revenir à l’idée générale du blog : prendre conscience de nos construits sociaux. Pour ma part, l’idée, l’imaginaire des noir-es non solidaires est un construit colonial qui a guidé de nombreuses générations de noir-es à penser et à confirmer inconsciemment ou non ce construit par des faits. Des faits qui eux-mêmes ne font qu’alimenter et justifier ce construit colonial. Un réel cercle vicieux. Je ne vais pas en dire plus et vous renvoie à l’article : Femmes noires, hommes noirs, modifions la vision que nous pouvons avoir de la solidarité entre noires, de la rubrique « Elevons notre estime » du blog qui traite du sujet. En ce qui concerne l’hospitalité, une personne expliquait qu’il s’agissait d’une valeur essentielle mais émettait tout de même une réserve. Faire preuve d’hospitalité oui mais « sans reproduire des erreurs trop importantes (envahisseurs européens) ».

 

La solidarité familiale/famille élargie, le maintien des langues par leur transmission ainsi que les tenues traditionnelles sont aussi des éléments de la tradition africaine considérés comme essentiels.

 

Par ailleurs, parmi les pratiques citées, quelques-unes m’ont interpellé et demanderaient aussi de les aborder. Tout d’abord, il y a la dot, qui fait partie du top 5 des pratiques considérées comme dépassées mais qui a auparavant été citée parmi les pratiques à conserver. Pour ceux qui souhaitent qu’elle soit conservée, la raison principale est qu’elle « unit la famille » et donc « maintien une institution familiale forte ». Pour ceux qui ne souhaitent pas que la dot soit conservée, les raisons sont multiples : « la valeur d’une femme ne se calcule pas, il faut soulager les hommes de cette pression sociale signe de virilité », « elle nuit aux relations sociales et affaiblit économiquement la jeunesse », « aspect marchandise de la femme », « à la base symbolique, maintenant c’est une somme exorbitante qui fait ressentir à l’homme un plein pouvoir sur la femme car il l’aurait « achetée » »,…Tous ces retours variés m’incitent à faire un article sur le sujet.

 

Dans la dot, un élément qui n’a pas été évoqué, c’est la volonté de compenser la perte de la femme dans la famille et donc de mettre en lumière son importance. Je trouve important de le rappeler car là où maintenant certain-es peuvent percevoir la dot comme un achat pur et dur de la femme renforçant le patriarcat, le sentiment de pouvoir des hommes et de soumission de la femme, à l’origine, celle-ci a pour objectif de se rendre compte de la valeur de la femme. Alors en réalité, de nos jours, avec le détournement/l’abus de cette pratique (lié avant tout au rapport à l’argent), nous en venons à avoir une signification et une perception détournée de l’objectif originel. Il pourrait être utile d’approfondir sur les diverses causes de cet abus. De plus, une comparaison avec d’autres pays peut aussi s’avérer intéressant. Par exemple, en Inde, la dot existe, sauf que c’est la famille de la femme qui la donne à celle de l’époux. Et pourtant, la position de la femme en Inde en lien avec le patriarcat est bien plus critique que celle que l’on attribue à la femme africaine. Dans son article, La femme africaine bête de somme ou superwomen, paru en 2005, dans la revue Sciences Humaines, Sylvie Brunel effectuait cette comparaison.

 

Le matriarcat a aussi été évoqué parmi les pratiques à conserver. Certains justifiaient cela par le fait qu’aujourd’hui la femme africaine permet de maintenir : « l’ordre de la société » et est « le pilier dans la famille ».  Là encore, nous retrouvons la variété des perceptions entre tradition africaine originelle et transformée. Effectivement, nous avions observé que le patriarcat faisait partie du top 5 des pratiques considérées comme dépassées de la tradition africaine bien qu’il ne soit pas né en Afrique.

 

J’ai également eu d’autres retours qui ne sont pas répertoriés dans le tableau tels que : « les cousinages à plaisanterie »,  « la cérémonie du port du pantalon pour les jeunes soninkés », marquant l’entrée dans l’âge adulte, « la joie » ou encore les « prénoms traditionnels » qu’il faudrait valoriser.

 

Enfin,  pour résumer les différents retours sur les pratiques considérées comme dépassées/à conserver dans la tradition africaine, je reprendrais la phrase d’un homme ( 26-35 ans, né dans le reste du monde et vivant actuellement en Occident) qui a selon moi bien résumé l’idée générale qui ressort de tous ces retours : « A mon sens, il faudrait toutes les garder, tant qu’on en comprend le sens originel, l’origine, et qu’elles ne nuisent pas aux populations qui les perpétuent. Parfois, une pratique devient tradition, parce qu’elle résout une problématique a un moment donné. Dès lors que cette problématique est résolue, pourquoi maintenir une pratique qui tend à la résoudre ? »

 

Pratique dépassée ? A conserver ? Question complexe, retours différents encore une fois en fonction de la perception, du degré de connaissance de ces pratiques,…Très enrichissants car plusieurs sujets reviennent fréquemment parfois sous des angles différents. Personnellement, ces retours m’ont énormément fait réfléchir par rapport à ma propre perception de ces pratiques. Certains ont confirmé certaines de mes perceptions, d’autres ont nuancé ma vision des choses. J’espère que cette restitution sera aussi le cas pour vous. Enfin, ces retours m’incitent à comprendre davantage certaines pratiques et valeurs en analysant leurs origines, leurs causes et ce qu’on en fait maintenant  en 2017. En effet, le plus important c’est de prendre conscience et connaissance des éléments du passé pour mieux avancer dans le futur.

A.S

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