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Renforçons notre estime noire à partir des 4 accords toltèques de Don Miguel Ruiz

J'ai toujours été intéressée par le développement personnel. J'ai toujours apprécié la psychologie, la philosophie et toutes ces autres sciences sociales. Et pourtant, lorsque l'une de mes amies m'a parlé des 4 accords toltèques de Don Miguel Ruiz, je dois dire qu'il ne m'emballait pas vraiment. Des millions de lecteurs auraient lu ce livre ? Je me disais : « Mouais encore l'un de ces auteurs qui nous dit ce que l'on veut entendre ! » J'ai résisté à l'idée de l'acheter. J'ai résisté alors que par la suite plusieurs personnes de mon entourage évoquaient les bénéfices et les apports de ces accords dans leur vie. J'ai résisté jusqu'au jour où je me préparais à faire une razzia littéraire à la FNAC (vive les chèques cadhocs du travail !). Je me retrouvais en caisse avec moins d'une dizaine de livres dont celui des 4 accords toltèques de Don Miguel Ruiz. Alors oui, j'avais finalement cédé à mon entourage qui vantait les mérites de ce livre.

 

Après l'avoir lu, j'ai effectivement compris pourquoi il avait conquis des millions de lecteurs dans le monde. Ce livre a pour avantage d'être fluide et simple à lire. Il nous donne des réponses concrètes à nos propres croyances, attitudes et comportements. Lorsque je l'ai terminé, j'ai pris un recul personnel sur celles-ci. On comprend à travers ces accords que nous avons parfois tendance à nous créer des conflits et complexes que nous répercutons de façon souvent inconsciente sur les autres. Il nous donne une façon spécifique d’appréhender notre vie dans notre poursuite du bonheur.

Les 4 accords toltèques sont tirés de l’enseignement ésotérique d’hommes et de femmes de connaissance du Sud du Mexique. Parmi ces « naguals » comme ils sont ainsi appelés, Don Miguel Ruiz partage avec nous cet enseignement longtemps gardé secret.

Après la lecture de l'ouvrage, je ne pus m’empêcher de faire le lien entre ces 4 accords et les comportements et attitudes inconscientes ou non que nous pouvons avoir en tant qu'homme et femme noir.e et qui ne permettent pas toujours de renforcer notre estime. C'est pour cela que je trouve intéressant de vous présenter ces accords de façon générale et de les analyser selon notre appartenance afro :

1. Votre parole doit-être impeccable

On nous dit souvent qu'il est préférable de tourner sept fois notre langue dans notre bouche avant de parler. Le premier accord toltèque confirme ce conseil.

 

Ce premier accord met en avant le pouvoir de la parole. Don Miguel Ruiz explique que : « Selon la façon dont elle est utilisée, la parole peut vous libérer ou vous asservir plus que vous ne pouvez l'imaginez. » Plus loin, il affirme : « La parole est si puissante qu'un seul mot peut changer une vie ou détruire l'existence de millions de personnes.»

En tant qu'homme et femme noir.e, ces deux citations prennent tout leur sens si nous regardons une partie de notre histoire. La parole (et la violence) ont occupé une place importante dans l’esclavage de nos ancêtres et leur maintien dans ce système. Par la parole, notre histoire, notre beauté, notre intelligence et nos capacités ont été niées. Une propagande a été organisée afin que l'on associe le cheveu crépu à un cheveu sauvage, nos traditions et coutumes comme non-légitimes, notre beauté comme inexistante et j'en passe. Encore aujourd'hui, nous constatons la puissance qu'a eue cette propagande puisque nous gardons encore les séquelles de tout cela.

Par la suite, l’auteur affirme : « Si elle réussit à capter notre attention, une parole peut pénétrer notre esprit et changer toute une croyance, en mieux ou en pire.» J'aime beaucoup cette phrase car elle nous laisse le choix. Le choix de subir et d'intégrer la parole qui nous dénigre et qui nous rabaisse ou de ne lui accorder aucune importance. Et pourtant, nous sommes souvent orienté.es de façon à subir et intégrer la parole négative et ce pour plusieurs raisons :

- Selon l'auteur, nous vivons dans un monde ou la médisance, les rumeurs non-fondées et les critiques non constructives sont devenues des formes de communication majeures dans la société. De ce fait, nous accordons beaucoup d'importance à ce que l'on peut dire de nous négativement. Je ne dis pas que nous ne serons pas heureux de recevoir un compliment. C’est juste que nous sommes plus familiarisé.es avec le mode de communication négatif (que nous en soyons à l'initiative ou que nous le subissons). Même lorsque nous n'avons pas subit ou été à l'initiative d’une parole négative, nous avons tendance à nous comporter de façon à éviter que celle-ci nous atteigne.

 

- En tant que femme et homme noir.e, avec quatre siècles d'esclavage suivis de la colonisation, ce n'est pas en un claquement de doigt que notre génération et les générations futures vont pouvoir se défaire de ces séquelles. Il est donc difficile d'ignorer des paroles négatives qui ont été intégrées et transmises d'une génération à l'autre.

Elisabeth Catlett (1915-2012), Hommage to black woman poets, Exposition The color line
Elisabeth Catlett (1915-2012), Hommage to black woman poets, Exposition The color line

Néanmoins, aujourd'hui, le travail de déconstruction est certes colossal, rongé d'obstacles mais il est bien présent. Les actions, évènements, associations, réseaux valorisant tout ce que l'esclavage et la colonisation ont jadis nié, viennent endiguer les conséquences de la propagande colonialiste. Je dois ajouter un élément important que l'auteur a mit en évidence : notre parole doit-être impeccable surtout envers nous-même. Le but n'est pas de prouver à ceux qui pensent l'inverse que notre couleur est belle, que nos cheveux sont beaux ou que nous sommes  intelligents. Le but c'est de se le prouver à nous-même. Autrui peut avoir des paroles dégradantes et irrespectueuses à notre encontre mais nous ne sommes pas obligés de les accepter et de les intégrer : « chaque fois que l'on écoute une opinion et qu'on la croit, on conclut un accord qui s'intègre à notre système de croyances. » Selon l'auteur, être impeccable, c'est assumer ses actions sans se juger, se critiquer. Avoir une parole impeccable, c'est ne pas avoir une parole désagréable envers nous-mêmes et ne pas laisser la parole négative de l'autre intégrer notre système de croyances. Si nous le faisons, cette parole devient la nôtre puisque nous l'acceptons dans notre système. De plus, Don Miguel Ruiz explique qu'avoir une parole impeccable, c'est aussi éviter les paroles désagréables envers autrui au risque de recevoir une multitude de "poison émotionnel" en retour que l'on ne saurait gérer.

 

En tant qu'homme et femme noir.e, avoir une parole impeccable participe à l'élévation de notre estime. N'acceptons pas les paroles dévalorisantes que les racistes et partisan.es de la colonisation veulent nous faire croire sur nous-même. Selon l'auteur, lorsque nous parlons négativement sur les autres c'est aussi beaucoup pour nous sentir mieux. Quand l'autre va autant ou plus mal que nous, nous allons mieux. Les paroles rabaissantes et racistes de certaines personnes sont utilisées comme faire valoir de leur propre individualité car elles n'ont peut-être rien à valoriser sans besoin de rabaisser. C'est un réel manque de confiance qu'elles tentent d'élever en rabaissant la nôtre.

Enfin, ne soyons pas dur.es envers nous-mêmes. Et lorsque je dis nous-mêmes je parle de nous en tant qu'individu mais aussi nous en tant que peuple noir. La parole négative qui se propage entre ethnies, pays, cultures est le fruit d'années de propagande pour nous diviser. Je vous renvoie à mon article (lien ici) portant sur la solidarité entre noir.es où je détaille ces aspects. Nous devons inverser la balance car le poids de cette propagande a fait assez de dégâts et continue encore malheureusement. C'est déjà un travail majeur d'endiguer la parole colonialiste si en plus de cela nous la faisons perdurer nous avançons certes, mais bel et bien à reculons.

2/ Quoi qu'il arrive, n'en faite jamais une affaire personnelle

Extrait de La fabrique à bonheurs
Extrait de La fabrique à bonheurs

J'ai beaucoup appris de ce deuxième accord au niveau personnel. Il nous recommande de ne pas prendre tout ce que l'on nous dit personnellement. Nous devons prendre du recul sur ce qu'autrui nous dit de façon à ne pas automatiquement l'intégrer dans notre système de croyance et éviter d’entrer dans un conflit non-constructif.

 

L’auteur explique que tout prendre personnellement est une manifestation pure de l'égoïsme car nous partons du principe que tout ce qui arrive nous concerne. Il affirme que nous avons appris à l'être car : « au cours de notre éducation, de notre domestication, nous apprenons à tout prendre pour soi.»

« En faisant une affaire personnelle de tout ce qui vous arrive, vous devenez une proie facile pour tous les prédateurs » explique l’auteur. Par exemple, admettons qu'une personne vous dise : « Je te trouve trop noire.» Il y a forcément des raisons pour lesquelles cette personne vous trouve « trop noire », des raisons qui dépendent des accords conclus dans son propre esprit. Petit.e, on lui a peut-être dit ou fait comprendre qu'être trop noire était un problème ? Il/Elle a écouté et intégré les paroles des médias, de proches ou de connaissances qui n'ont cessé d'associer la beauté à la peau blanche ? Il/Elle a vivement intégré la connotation péjorative du terme "noir" en France ? Ce sont autant de raisons qui ont mené cette personne à conclure l'accord : il ne faut pas être trop noir-e. Nous qui recevons cette information, nous n'avons aucune obligation de prendre cette information personnellement. Elle n'est que le résultat des multiples accords de cette personne pas des nôtres.

Lorsque nous réagissons de façon personnelle à une opinion différente de la nôtre, nous avons tendance à nous confronter à cette opinion. Don Miguel Ruiz explique que : « lorsque vous faites une affaire personnelle de ce qui vous arrive, vous vous sentez offensé et votre réaction consiste à défendre vos croyances, ce qui provoque des conflits.» En effet, si je réponds à cette personne qui me trouve trop noire : « Tu racontes n'importe quoi. Espèce de raciste. Je suis trop noir.e et alors ? J'en suis fièr.e ! » Ici, je me suis clairement confrontée à l'opinion de cette personne que je trouve clairement opposée à mon propre système de croyances : Etre noire n'est pas de trop, c'est normal. Nous avons deux systèmes de croyances qui s'opposent (la partie cachée de l’iceberg) mais concrètement, ils se traduisent par un conflit de deux opinions opposées (partie visible de l’iceberg).

3/ Ne faite jamais de suppositions

Admettons que je sois très ami.e avec une personne. Cette personne et moi avons l'habitude de nous contacter une fois par semaine. Depuis quelques semaines, je sens mon ami.e distant.e. Il/Elle ne prends plus le temps de me contacter. Je commence à me poser des questions : « Il/Elle m'évite ? Qu'est-ce que je lui ai fait ? » Je ne cherche pas à confirmer ou infirmer ces questions, je pars du principe que ces hypothèses sont les raisons de son comportement. Enervée contre mon ami.e sur la base de mes propres suppositions, je décide à mon tour de ne plus la/le contacter. Il s'agit d'un exemple typique de conséquences hâtives pouvant mener à une tension ou un conflit entre deux personnes. Je me pose une question sur une situation à priori anormale, je suppose une réponse et j'agis en conséquence de ma propre supposition. Miguel Don Ruiz affirme : « Nous faisons des suppositions sur ce que les autres font ou pensent, forts de quoi nous en faisons une affaire perso, puis nous leur en voulons et nous leur communiquons du poison émotionnel par nos propos.»

 

J'ai évoqué une situation assez parlante afin de mettre en avant les conséquences des suppositions à tout va. En tant qu'afro-descendant.e, nous avons acquis certaines séquelles des paroles dégradantes sur les noir.e.s. Ces séquelles nous amènent à supposer des réactions ou situations qui nous limitent.

Par exemple, auparavant, lorsque je choisissais des destinations de voyage, les critères principaux qui me faisaient privilégier tel pays plutôt qu’un autre se basaient sur mes suppositions : "Je ne vais pas aller dans ce pays, ils sont racistes" ; "Ils vont me regarder comme une bête de foire" ou " Je ne serais pas tranquille". En partant de ces suppositions, j'ai restreint automatiquement les destinations où je souhaitais me rendre. Aujourd'hui, je ne vais pas dire que je ne fais aucune supposition d'autant plus que certaines d'elles ont parfois été confirmées. Néanmoins, j'ai eu l'occasion de séjourner dans certains pays ( ne figurant pas du tout dans ma liste initiale de destinations) et de me retrouver agréablement surprise par rapport à certaines suppositions que je m'en faisais. En passant au-delà de mes suppositions, j’ai pu les confirmer ou les infirmer de façon concrète.

Enfin, dans le monde du travail, nous pouvons inconsciemment nous limiter en n'osant pas postuler à tel ou tel poste parce que nous ne voyons pas de noir.es dans tel ou tel métier. Là encore nous supposons que et nous n’allons pas plus loin pour savoir concrètement si ce que nous supposons est réellement vrai. Cela peut nous piéger car dans un système médiatique classique complexe où la diversité est certes de plus en plus présente, mais pas forcément à tous les niveaux de compétences, nous pouvons nous limiter à beaucoup de fonctions si nous ne nous contentons que de nos suppositions sans obtenir de réels faits qui les confirment ou non.

Je finirais par une citation de l'auteur qui explique que : « Nous supposons que tout le monde voit la vie comme nous la voyons. Nous supposons que les autres pensent comme nous pensons, qu'ils ressentent les choses comme nous les ressentons ? Qu'ils jugent comme nous jugeons « ... » c'est la raison pour laquelle nous craignons d'être nous-même avec les autres, car nous pensons qu'ils vont nous juger, nous maltraiter et nous critiquer comme nous le faisons-nous même.»

4. Faite toujours de votre mieux

Image extraite du site freepik.com
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« Quelles que soient les circonstances, faites toujours de votre mieux, ni plus ni moins. Mais rappelez-vous que votre mieux ne sera jamais le même d’une fois à l'autre. Votre mieux variera selon que vous êtes en pleine forme et heureux, ou irrité, ou en colère, ou encore jaloux.»

 

L'auteur explique que faire de son mieux nous permet d'être en paix avec nous-même. Faire de son mieux évite les frustrations, les culpabilités et le jugement personnel. Il est également important de ne pas faire plus ou moins que "son mieux" car dans l'un ou l'autre cas, il y aura un déséquilibre d'énergie qui ne nous permettra pas d'atteindre notre but. Notre mieux variera selon les situations, émotions que nous ressentons.

« Les trois premiers accords toltèques ne fonctionneront que si vous faites de votre mieux. Ne vous attendez pas à vous exprimer toujours avec une parole impeccable. Vos habitudes sont trop fortes et trop bien ancrées dans votre esprit. Mais vous pouvez faire de votre mieux. N'imaginez pas que vous ne prendrez plus rien personnellement, faites seulement de votre mieux. Ne croyez pas que vous ne ferez jamais la moindre supposition, mais vous pouvez parfaitement faire de votre mieux. »

Après la lecture de cet article, on ne va pas s'attendre à ce que l'on occulte la parole esclavagiste et colonialiste d'un claquement de doigt lorsque des milliers de générations les ont intégrés souvent de façon inconsciente. On ne va pas s'attendre à ce que du jour au lendemain on évite de considérer la solidarité noire comme inexistante, si nous avons toujours intégré cette idée inconsciemment ou non. On ne va pas s'attendre à ce que soudainement, on ne prenne aucune parole dégradante sur notre identité noire personnellement. Enfin, On ne va pas s'attendre à ce que l'on arrête aussitôt de supposer toutes les limites qu'implique notre identité noire dans la société.

Ce que je veux dire, c'est que bien évidemment ces accords ont l'air simples à adopter mais en pratique, c'est beaucoup plus complexe. Il y a tous les accords que nous avons intégrés depuis l’enfance, que nous avons infirmé, confirmé ou jamais remis en question. Avant d'adopter les accords toltèques, il faut prendre conscience du bordel que nous intégrons inconsciemment sans le savoir. C'est en effet par la prise de conscience, le développement et l'estime de soi que nous réussirons à faire chaque jour un pas de plus, au plus près de ces accords.

Je finirais par les propos de l'auteur :

« Lorsque vous faites de votre mieux, vous apprenez à vous accepter. En étant conscient que vous pouvez apprendre de vos erreurs. Cela signifie que vous exercez, regardez honnêtement les résultats de vos actions, et continuez de vous exercer. Cela accroit votre conscience. 

A.S

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