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Femmes noires, hommes noirs, réduisons le pouvoir des croyances limitantes dans nos vies

Chaque être humain mène sa vie de façon plus ou moins différente. Chaque être humain dispose d'un parcours propre à lui-même, un parcours la plupart du temps dicté par des croyances inconscientes. Laurent Gounelle, écrivain et psychologue français, explique dans son ouvrage L'homme qui voulait être heureux, que la vie que nous menons, les choix que nous faisons, la perception que nous avons de l'autre, de la réalité, sont avant tout le résultat de croyances inconscientes qui ont forgé notre esprit depuis notre plus jeune âge. Ces croyances proviendraient de l'éducation dont nous avons hérité, d'expériences que nous avons vécues et de l'influence de personnes auxquelles nous donnons une place plus ou moins importante dans nos vies. Laurent Gounelle cite quelques exemples généraux afin de comprendre la logique. Il évoque un enfant qui a par exemple été élevé de façon à voir le danger partout. En grandissant, celui-ci aura de fortes chances de croire qu'il faut se méfier de tout le monde (s'il n'a pas eu d'expériences entre temps lui prouvant le contraire). Sa réalité sera inconsciemment construite et interprétée à travers cette croyance. Sa perception du monde et ses relations avec les autres le seront aussi. Il n'y aurait pas de bonnes ou de mauvaises croyances mais des croyances limitantes ou non-limitantes. Effectivement, se méfier permet d'éviter d'éventuels dangers, pour autant, cela peut nous limiter dans certaines situations en s'attachant à croire qu'il y a un danger là où il n'y en a pas.

En tant que femme noire française d'origine subsaharienne, ce fut un long cheminement afin de comprendre quelles croyances inconscientes avaient pu dicter ma perception de la vie, de la réalité, mes choix et mes décisions. Me serais-je limitée en croyant inconsciemment que telle activité ou métier n'était pas pour moi ? Que la beauté ne se résumait qu'à une seule référence ? Que mon degré de pigmentation pouvait influencer positivement ou non ma façon de plaire, d'évoluer dans ma vie et de réussir ? Avec le temps, j'ai pris conscience de ces croyances inconscientes qui touchent ou ont touché d'autres femmes noires et je dirais même d'autres hommes noirs.

 

 

Pour ma part, bien que ces pensées soient inconscientes en nous, une bonne partie de celles-ci sont véhiculées et communiquées de façon massive par des organisations bien conscientes : LES MEDIAS. Les publicités, les séries, les films, les dessins animés, les magazines,...ce sont autant de moyens qui ont et continuent à  nous ancrer des croyances limitantes et ce dès notre enfance. Vous n'avez qu'à prêter attention à l'image que véhiculent l'homme, la femme, l'homme blanc, la femme blanche, l'homme noir et la femme noire dans ces médias. Vous comprendrez qu'il y a une volonté de perpétuer des croyances bien précises et ce de générations en générations.

Pour autant, je dois saluer les avantages des réseaux sociaux qui nous permettent depuis plusieurs années de contrer la portée de ces messages dominants. De plus, l'éducation familiale et l'entourage y participent aussi lorsqu'ils véhiculent l'estime de soi, de sa couleur noire, de ses origines au même rang que la couleur blanche que l'on souhaite nous voir croire supérieure. Enfin, les afro-descendants qui utilisent les mêmes moyens que ces medias (lorsqu’ils y ont accès et y parviennent), nous permettent aussi de remettre en cause des croyances limitantes sur les noirs. En prenant l'exemple de la beauté, c'est un combat de longue haleine que de pouvoir déconstruire la croyance selon laquelle celle-ci se réfère à une image pâle, des cheveux lisses, des traits fins et des yeux clairs. L'esclavage et la colonisation ont construit une croyance selon laquelle : La beauté noire n'existe pas. De générations en générations des noirs ont été forcés d'intégrer cette idée afin qu’elle perdure.   

Aujourd'hui, je suis heureuse d'observer que la phase de déconstruction de cette croyance est en marche. De plus en plus de femmes et d'hommes valorisent leur beauté noire. Cela prouve que de plus en plus d'afro-descendants se délient de cette croyance limitante. Mais comme je le disais, c'est un combat de longue haleine qui ne cesse de continuer. Alors, si je devais rêver à mon humble niveau comme l'a fait Martin Luther King, je désirerais que tout homme et femme noir(e) prenne conscience des croyances inconscientes qui les limitent dans leur vie. J'ai évoqué la beauté car la croyance construite à ce niveau m’a particulièrement interpellée, d’autant plus que ses conséquences sont néfastes sur la santé : utilisation de produits éclaircissants ou défrisants incluant des composants chimiques. Je pourrais aussi parler des croyances inconscientes qui nous limitent dans notre ambition professionnelle, la perception que nous avons de nos origines ou encore nos relations avec autrui.

J’imagine certaines personnes se demander comment prendre conscience des croyances inconscientes qui les limitent en tant que femme et homme noir(e) ? Je répondrais à cette question par plusieurs citations :

Cheikh Anta Diop, grand savant Sénégalais du 20 ème siècle :

"Formez-vous, armez-vous de science jusqu'aux dents et arrachez votre patrimoine culturel".

 

Miss representation, documentaire américain sortie en 2011, réalisé par Jessica Siebel Newsom et Régina Kulik Scully :

"Les médias représentent le message et la source du message, ce qui leur donne un pouvoir majeur. Ils sont la source d'information la plus regardée par les gens. Il faut donc comprendre comment fonctionnent les médias afin de comprendre ce qu'il se passe dans notre société au 21ème siècle."

 

Abdoulaye Diallo, historien et gestionnaire du centre national de presse au Burkina Fasso, Ouagadougou :

"C'est quand tu découvres ton passé que tu te crées et te forge une ambition".

 

Enfin, aux hommes et femmes blanches qui s'évertuent à penser qu'un homme ou une femme noire fier(e) de sa couleur, de ses origines et de son histoire est anti-blanc. Aux hommes noirs et aux femmes noires qui s'évertuent à penser que la seule solution pour s'intégrer en Occident consiste à assimiler la culture dite dominante et enfouir ses origines au plus profond de son âme, je répondrais par les propos de Carlos Ouedraogo, acteur, conteur et metteur en scène Burkina B :

"En Afrique, les âges disent que quand tu rencontres l'autre, au lieu de te perdre dans ses yeux, reconnais-toi dans ses yeux. Il se pourrait que tu te vois toi-même. Celui qui s'aime, ne peut qu’aller vers l'autre car l'altérité, c'est soi-même. C'est dans la différence que l'on trouve les voies de la complémentarité."

 A.S

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Commentaires: 1
  • #1

    Alana (jeudi, 06 avril 2017 21:23)

    Superbe article, bien pensé et très bien écrit. De belles citations également !! Je m'y reconnais totalement :)